Les speed dating ont été inventés par le rabbin Yaacov Deyo à Los Angeles en 1998, à Beverly Hills plus précisément. Travaillant avec des jeunes, il cherchait avec eux une façon de faciliter et promouvoir le mariage au sein de leur communauté juive d’une manière stimulante et aisée. Ce concept a rencontré un franc et rapide succès et s’est disséminé à travers le monde entier, autant pour les célibataires qu’au sein des entreprises ou d’un réseau commercial. A quoi ressemblait l’idée de départ ? Comment cela a-t-il dévié ? Et où se situent les slow dating par rapport à ce concept ?
A l’origine, il s’agissait de 7 rencontres en 7 minutes pour définir rapidement si les valeurs et la spiritualité des partenaires issus de la communauté juive étaient compatibles avant d’aller plus loin dans la connaissance de l’autre. La vision de Yaacov Deyo est également emprunte de la croyance qu’il s’agit d’identifier « la bonne personne » avec laquelle passer le reste de sa vie, tel qu’il a pu le vivre avec sa femme et tel que les films et les médias nous le montrent depuis des années (voir post Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants...).
Chez nous, l’anthropologue Pierre-Yves Wauthier s’est intéressé au sujet et a fait de l’observation participante au sein des speed dating de Bruxelles de 2009 à 2010. Il a pu voir que le concept de base n’a pas été reproduit à l’identique et que la notion de valeurs et de spiritualité a complètement été mise de côté. Les speed dating ont évolué pour correspondre aux valeurs d’un monde moderne, urbain, jeune, au besoin de l’anonymat ainsi que de l’optimisation et la rapidité.
En opposition, dans les 10 commandements d’origine des speed dating, il est interdit de demander où habite la personne ni quelle est sa profession ; il ne faut pas montrer un intérêt à la personne pour qu’elle ne sente pas notre envie de la revoir ; les hommes bougent et les femmes restent assises ; nous ne pouvons pas voir les candidats voisins lors d’un échange ; nous devons pouvoir sentir si la personne est polie et respectueuse ; il s’agit d’indiquer immédiatement après chaque rencontre si nous souhaitons le/la revoir (sur un papier à rendre aux organisateurs) ; interdiction de passer un tour ; 7 rencontres par soirée (même s'il y a plus de participants) ; interdiction d’échanger les numéros de téléphone ; et last but not least : amusez-vous !
Toute personne ayant déjà expérimenté au moins un speed dating à Bruxelles se rend bien compte que les règles ne sont pas 100% celles proposées par Yaacov Deyo : rencontres de plus ou moins 7 minutes selon les agences ; 7 personnes ou plus sur la soirée permettant généralement de rencontrer tout le monde ; les tranches d’âge annoncées ne sont pas toujours respectées ; une partie de ce cadre n’est pas mentionnée/rappelée aux participants lors du démarrage de l’animation ; les conversations tournent majoritairement sur les sujets du travail, des hobbies et des vacances ; et enfin, les valeurs d’origine ne sont pas mises en avant.
Il est évident que chaque agence choisit les valeurs qu’elle porte dans son projet, lesquelles sont principalement : faites-vous de nouveaux amis (ce qui est très rare selon l’étude de l’anthropologue) ; rencontrez des célibataires disponibles (ils ne le sont pas toujours malheureusement…) pour entrer dans une relation amoureuse romantique (non définie à l’avance, et donc à éclaircir entre les participants : court, moyen ou long terme ?) ; ou encore vivez un moment de séduction (court terme ?). Ils proposent de nous aider à optimiser notre recherche : rencontres dans la vie réelle (en opposition au virtuel) ; décider en un coup d’œil si nous souhaitons poursuivre ou non ; et anonymat garanti. L’organisateur restant le lien incontournable pour accéder aux numéros privés des participants et ce, uniquement s’il y a un « match » réciproque.
Dans la version du rabbin, cette étape de speed dating était le début d’un processus de plusieurs mois dans lequel il accompagnait les jeunes couples vers une relation sérieuse en vue d’un mariage. Cette étape du chemin n’a pas été reprise par les organisateurs de speed dating à travers le monde et encore moins à Bruxelles.
Ayant moi-même testé plusieurs sites, applications de rencontres et speed dating, j’ai décidé de créer des événements de rencontres réelles pour célibataires qui comprennent des valeurs importantes pour moi et que je n’ai pas retrouvées lors de ces expériences : les Slow Dating.
Après une phase d’analyse de terrain fin 2018, je les ai mis en place début 2019 sous le nom « Étincelle d’Amour » en démarrant avec une soirée slow dating dans un bar avec une décoration originale et servant des boissons bio et locales, se trouvant près de la gare de Bruxelles Midi. Au printemps 2019, avec la venue du soleil et du beau temps, j’ai eu envie de vivre cela en extérieur et je suis passée à des balades-rencontres slow dating en forêt qui ont eu un certain succès.
Enfin, après avoir écouté les suggestions des participant.e.s de l’été, j’ai démarré des soupers slow dating dès l’hiver 2019-2020 avec, notamment, la collaboration d’un nouveau snack bio, local et zéro déchet très accueillant du côté de la place Flagey. Et j’ai encore beaucoup d’idées pour l’année à venir, puisque la pandémie nous demande à toutes et tous d’être (encore plus) créatifs !
Comment se déroule un événement slow dating ?
Concrètement, il s’agit avant tout de faire des rencontres réelles et de qualité dans un cadre zen et bienveillant : respect, écoute, échanges sincères, confiance et confidentialité font partie du cadre mis en place dès le début de l’animation. Lors des slow dating, nous avons 20 minutes pour échanger en toute bienveillance et nous sommes aidés par des questions en libre utilisation qui permettent d’aborder des sujets auxquels nous n’aurions jamais pensé spontanément lors d’un premier rendez-vous.
De plus, selon que ce soit une soirée, un souper ou une balade-rencontres, des animations de groupe sont prévues permettant une ambiance respectueuse et sans concurrence. Les plus timides y trouvent leur place plus facilement et chacun.e est invité.e à se défaire de ses attentes pour être 100% présent.e à la rencontre de l’autre tel.le qu’il/elle est. Selon ce qu’il est possible de faire ou non avec les mesures sanitaires covid, des exercices à vocation de détente et de rapprochement par le jeu et l’amusement sont également proposés.
Comme le concept du rabbin de Beverly Hills, l’idée est de permettre à chacun.e de percevoir le respect, la bienveillance, l’ouverture, les valeurs et les éventuels projets communs d’une manière efficace. Comme lui, nous ne rencontrons pas tous les participants en face-à-face lors des animations : de 1 à 4 personnes en duos intimistes selon la formule choisie. Mais les moments en groupe et les temps informels avant et après le slow dating permettent d’approcher celles et ceux avec lesquels nous n’avons pas eu l’occasion de discuter en privé.
La différence principale avec les speed dating se situe dans le fait que tout le monde voit tous les participants et ce, dès le début de l’animation. Ensuite, montrer son intérêt pour la personne convoitée lors du moment en binôme est recommandé. Enfin, l’échange des numéros/mails/facebook est laissé à la liberté des participants.
En effet, dans le concept slow dating, les participants sont estimés être des adultes matures et responsables afin de procéder à l’échange par eux-mêmes. Le parallèle est fait avec la vie courante dans laquelle, si deux personnes se plaisent mutuellement, elles souhaitent se revoir et montrent de l’intérêt pour s’échanger leurs coordonnées de manière tout à fait naturelle et spontanée. Le cadre posé au début de l’événement permet de rendre cette étape naturelle et respectueuse.
Malgré tout, que les plus timides se rassurent : lors des soirées et soupers slow dating, une méthode originale est proposée pour donner son propre numéro aux personnes de son choix en toute discrétion, lui permettant de nous recontacter s'il/elle le souhaite. Une version différente est offerte lors des balades-rencontres slow dating.
Ici, pas besoin d’un « match » réciproque ou direct pour échanger les coordonnées, ouvrant la voie aux éventuelles surprises positives et inattendues. Toutefois, le respect est le maître mot de ces échanges et plusieurs règles essentielles sont rappelées lors de chaque événement : toujours répondre à quelqu’un qui nous écrit (c’est la moindre des politesses) ; rester poli et courtois même pour refuser une invitation à un « date » privé ; enfin toujours respecter le choix de la personne, même si cela génère des émotions négative en nous (c’est-à-dire ne pas harceler une personne qui a poliment émis un refus).
Cette approche innovante permet d’apprendre et évoluer sur plusieurs éléments de psychologie et ainsi devenir plus mûr.e émotionnellement (voir post Les 3 postures qui nous empêchent d’être pleinement heureux en amour). En effet, recevoir un refus n’est jamais agréable, mais apprendre à le recevoir sans se remettre soi-même en cause ni en question est une preuve de grande maturité. La déception fait partie intégrante de la vie amoureuse et savoir gérer ses émotions sans tomber dans la victimisation ou le harcèlement permet de devenir des adultes plus conscients et respectueux des relations humaines, en amour, et de manière générale.
Enfin, apprendre à ne pas se diminuer et ne pas laisser notre confiance en nous descendre lors d’une non-réciprocité permet de stabiliser notre estime de nous en ayant la conviction ferme d’être quelqu’un de bien, de valable et d’exceptionnel.le malgré tout. Ne pas être choisi.e ne signifie pas que nous ne sommes pas aimables, mais simplement que cette personne-là précisément ne nous correspond pas et/ou n’a pas su voir les trésors cachés en nous. Cette croyance positive fait toute la différence (concernant les croyances, voir article précédent Ces croyances inconscientes qui nous limitent en amour...) !
Par ailleurs, j’ai bien conscience des enjeux inhérents aux relations amoureuses et je souhaite que toute personne puisse trouver un.e compagnon.e de vie tout en grandissant dans sa capacité à nouer des relations positives, saines et constructives envers soi-même et les autres. Ceci y compris dans un groupe de célibataires : comment trouver/prendre ma place dans le groupe ? Comment je me compare (ou non) aux autres ? Est-ce que je me sens en concurrence (ou non) ? Ai-je confiance en moi (ou non) ? Suis-je réellement prêt.e à rencontrer quelqu’un dans l’intimité ? Ai-je fini le deuil de mon/ma partenaire précédent.e ? Suis-je à l’aise dans un groupe de célibataires ? Suis-je confortable en binôme ? Est-ce que j’ose respecter mes propres limites ? En cela l’expérience d’un slow dating peut être beaucoup plus qu’une simple recherche de partenaire amoureux.se !
Et si nous souhaitons répondre à ces questions sans passer par la case slow dating, j'ai créé un atelier de groupe nommé « (Re)Trouver mon Étincelle » qui permet d’approcher, de conscientiser et éventuellement de guérir nos blessures et nos croyances limitantes dans un cocon bienveillant en toute simplicité.
Enfin, concernant le côté socio-économique des slow dating, sans avoir fait une étude approfondie comme l’anthropologue Pierre-Yves Wauthier, je peux dire qu’il est probablement similaire au public des speed dating : classe moyenne, internationale, des métiers variés allant du/de la manuel.le à l’intellectuel.le en passant par les professions sociales et libérales, de type plutôt urbain et plus ou moins bien dans leur peau avec une vie sociale existante et un équilibre de vie « normal ».
J’ajouterai qu’une grande partie des femmes présentes sont orientées bien-être, développement personnel et soucis de l’écologie/la nature. Certains hommes également mais de manière moins visible. Enfin, leur point commun à toutes et tous : faire une rencontre de sens et de qualité avec des célibataires de l’autre genre, dans la vie réelle, tout en profitant d’une activité ludique et ressourçante… et plus si affinités !
Pour aller plus loin :
- Événements Slow Dating pour célibataires ;
- Ateliers sur les relations amoureuses ;
- Pierre-Yves Wauthier « Mon partenaire en un éclair. Un anthropologue en Speed Dating », Édition Académia l’Harmattan, 2015
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