Nous avons toutes et tous probablement déjà vu des images ou vidéos à caractère pornographique, que cela soit par curiosité ou inopinément lors d’une publicité sur un site internet. Que l’on soit amateur/trice ou dégoûté.e par ces vidéos et images à caractère sexuel, le porno fait bien partie du commerce lucratif qui attire encore de (très) jeunes filles qui souhaitent se faire de l’argent. Mais qu’en est-il de leur vécu réel, du respect ou non qu’elles reçoivent ? De l’impact psychologique de ce job sur ces travailleurs et travailleuses de l’industrie pornographie ?
Dans la série documentaire américaine « Hot girls wanted : turned on » réalisée par Ronna Gradus, Rashida Jones et Jill Bauer (2017), les dessous de l’industrie du sexe sont explorés via la pornographie, l’application Tinder et les réseaux sociaux des adolescents. On y découvre les coulisses du porno bas de gamme, du porno réalisé par des femmes, du porno haut de gamme réalisé par des femmes, des « cam girls » indépendantes, d’une recruteuse de jeunes filles pour l’industrie pornographique, d’un dragueur de Tinder et d’une adolescente qui a perdu tout discernement entre le réel et le virtuel au moment du viol de son amie. Tout cela en suivant différents protagonistes afin de mieux en comprendre les contours.
S’il est communément admis aujourd’hui que la pornographie fait partie de l’éducation sexuelle d’un grand nombre d’adolescent.e.s, il est judicieux de se poser la question du modèle de relations sexuelles que l’on y propose. Lorsque ce sont des femmes aux commandes de la réalisation, elles se montrent plus artistiques, voulant mettre en évidence la beauté des corps, du lieu, des images et une connexion entre les partenaires, dans le respect l’un de l’autre.
Par exemple, Erika Lust, l’une des rares réalisatrices et productrices de cinéma porno indépendant et féministe, nous explique qu’elle a du mal à travailler avec des hommes professionnels du porno, car ils ont pris des habitudes de violence envers les femmes : tirer les cheveux, être brutaux,… ce qui n’a pas lieu d’être lorsque deux personnes s’aiment et se le partagent à travers la sexualité.
Elle choisit donc de travailler avec des acteurs/trices peu ou pas du tout professionnels afin de garder l’ambiance humaine de la relation sexuelle filmée. Elle raconte des histoires d’amour et se permet de couper des scènes lors du montage si elle juge que les images sont violentes ou dégradantes pour la femme, étant bien consciente de son rôle dans l’éducation sexuelle des adolescent.e.s. Elle préfère également s’entourer d’une équipe de tournage plutôt féminine, ces dernières n’ayant pas la même sensibilité et manière de filmer que les hommes.
« La majorité des films sépare les corps, pour mieux filmer les pénétrations en gros plan. Des pénétrations qui n’apportent même pas d’orgasmes aux femmes, car beaucoup ont besoin d’une simulation clitoridienne. Les jeunes grandissent avec cette représentation erronée, sont sûrs que c’est comme ça et pas autrement qu’il faut faire, et sont donc frustrés. Je reçois tous les jours des mails de femmes et d’hommes, qui pensaient s’y prendre mal, se demandaient pourquoi ils n’y arrivaient pas. Sauf que le problème ne venait pas d’eux, mais du porno qu’ils regardaient. » nous dit-elle lors d’une interview pour 20minutes.fr.
Ensuite, lorsque l’on approche le vécu des acteurs/trices de l’industrie du porno, nous pouvons y observer beaucoup de souffrances dans leurs histoires de vie : manque d’argent des parents, peu de confiance en soi, familles déstructurées, pauvreté de projets de vie, sentiment d’impasse devant le futur,… C’est là que certain.e.s se tournent vers la pornographie ou la sexcam pour gagner de l’argent, plus ou moins facilement, en acceptant ou non, selon le caractère de chacun.e.s de dépasser leurs propres limites. Les drogues et l’alcool aidant parfois à tenir le coup, puis faisant plonger certain.e.s jeunes acteurs/trices dans une réelle descente aux enfers physique et psychologique. Le désespoir est palpable, le non-respect de leurs propres limites (s’ils ne sont pas indépendant.e.s) est évident, y compris du côté masculin.
En effet, par exemple, un noir américain, nouveau venu dans cette industrie, explique qu’il n’aime pas violenter les femmes, y compris dans sa vie privée. Mais ici, il fait ce qu’on lui demande, même si cela ne correspond pas à ses valeurs/principes. Le racisme est encore très présent également, certain.e.s étant recruté.e.s pour leur couleur de peau (pour proposer une sexualité « inter-raciale ») alors même que la discrimination est interdite depuis longtemps dans les autres emplois aux États-Unis.
Par ailleurs, un jeune entrepreneur et producteur qui rêve de richesse et de reconnaissance paternelle raconte qu’il offre et produit les contenus vidéos de ce qu’on lui demande : du hard, de la violence, du racisme et de la dégradation envers les femmes. Cela peut questionner, en effet, sur l’offre et la demande : tant qu’il y a des amateurs/trices de violence dans la sexualité filmée, ils en produisent. Mais tant qu’ils en offrent, il y a des gens qui le regardent. C’est le serpent qui se mord la queue.
Et cela a un impact réel sur la manière dont les jeunes perçoivent, pratiquent et pensent « devoir copier » comme actions sexuelles violentes et déconnectées dans leurs relations intimes. Car effectivement, la seule éducation sexuelle cadrée qu’ils reçoivent en contrepartie de ces images glanées sur internet se passe au cours de sciences, apprenant la biologie de la reproduction.
Concernant cela, c’était déjà une critique des adolescent.e.s eux-mêmes lors de l’enquête de l’anthropologue Jacinthe Mazzochetti effectuée dans plusieurs écoles de Charleroi à la demande de la Prévention de Quartiers de la ville, du planning familial et du Collectif Contraception. Entre la sciences et le porno, nul endroit pour parler d’amour, de relations saines et équilibrées, de désir réciproque et de tendresse. Tâche incombant normalement à la famille (parents, frères/sœurs aînés,…) ou à un.e mentor externe (ami.e.s, oncle/tante,…). Même s’il est vrai que les adolescent.e.s ne posent pas facilement de questions sur ce sujet aux adultes, ils ont besoin d’un récit pour apprendre et comprendre. Qui s’en charge aujourd’hui, avec le détricotage des liens réels au profit des liens virtuels ?
« Les images/imaginaires proposés/imposés par les médias et en particulier, la pornographie ont un impact sur les relations amoureuses et sexuelles des adolescents. La pornographie et son usage dans l’apprentissage de la sexualité se banalisent. Certains auteurs parlent même de « pornographisation du social » ou de « société pornocratique » pour caractériser une société qui sexualise la pensée collective par le recours massif aux images et par l’usage de la sexualité comme arrière-plan de toute consommation. (…) Certains travaux expliquent comment la multiplication d’images pornographiques facilement accessibles fragilise. La sexualité est, pour certains ados, réduite à la mise en scène de l’acte sexuel sans aucun arrière-plan affectif ou sentimental. Ce mode d’appréhension de la sexualité risque d’enfermer ces jeunes dans une sexualité marquée par la domination et le mépris de la femme. »
Pour conclure, nous sommes tous responsables de ce que nous regardons : en encourageant ce type de vidéos, nous acceptons le non respect des femmes et des hommes de cette industrie, nous sommes d’accord qu’ils/elles soient humiliés pour de l’argent. Sans dialogue, nous acceptons que nos jeunes s’informent et se forment selon ce rapport de violence homme-femme dans la sphère la plus intime de leur vie.
En visionnant ces vidéos de l’industrie pornographique, nous continuons à (re)produire de générations en générations, un schéma de violence au sein des liens humains qui sont sensés être les plus beaux, les plus doux, les plus profonds, les plus rempli d’amour.
Redonnons la part belle à nos fantasmes, à notre imaginaire, à la relation sexuelle consciente et connectée (voir post : Que signifie « faire l’amour en conscience » ?). Ou au moins, faisons acte de militantisme en choisissant des films pour adultes qui montrent le lien entre les partenaires, n’utilisant pas de violence, ni de dégradation des êtres humains dans ses contenus. Prenons le temps de parler d’amour et de sexualité avec nos ados, ils méritent un exemple vivant et concret de relations amoureuses respectueuses envers les deux partenaires, afin de pouvoir se projeter dans un avenir relationnel désirable.
Pour aller plus loin :
- Série documentaire « Hot girls wanted : turned on » sur Netflix ;
- Jacinthe Mazzochetti « Hypersexualisation et relations amoureuses. Témoignages d’adolescents »
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